mercredi 17 novembre 2010

La frottée à l’ail




Quand j’étais enfant je raffolais des frottées à l’ail :
Dans une assiette on émondait l’ail finement en le grattant patiemment à la pointe d’une fourchette, on y ajoutait de l’huile d’olive et du sel, et on frottait une croûte de pain bien croustillante sur ce mélange…





Ma mère avait une amie très aimée (ma sœur et moi ,nous l’appelions La Chère Amie !) Elle était sa collègue, mais avait épousé le président du tribunal et avait donc été amenée à fréquenter la (petite) bourgeoisie de notre (petite)ville. Je ne sais si de cette fréquentation lui venait une espèce de distinction et de raffinement,par ailleurs sans ostentation , ou si c’était une disposition naturelle qu’avait accrue en lui conférant une sorte de fragilité une grave maladie de cœur…Elles se rendaient visite ma mère et elle, elles avaient « leur jour », ce qui nous faisait rigoler , avec peut-être un petit soupçon de jalousie de ce rapport dont nous étions en partie exclues …

Un chaud après midi, je me fis ma fameuse « frottée » sur les quatre heures sans songer que c’était le jour de la chère amie !
Quand on sonna, je me précipitai étourdiment pour ouvrir et m’arrêtai interdite…
La chère amie toute de blanc vêtue, souriante et chaleureuse comme à l’accoutumée, me prit aux épaules pour deux gros baisers affectueux.
J’étais suffoquée d’embarras… et elle par mon haleine.
Elle me regarda, renifla et éclata d’un rire généreux et communicatif puis s’écria avec une nette résurgence d’accent de son pays du Lot :
« La frottée ! la frottée à l’ail ! Dieu que c’était bon, quand je pouvais en manger… »

Publié par françou à l'adresse 08:51 Libellés : souvenir d'enfance

mardi 16 novembre 2010

Quand ma mère retournait...ses draps!

Ce matin en faisant le lit, je découvre un accroc d’usure en plein milieu du drap de dessous.

Michel me dit :
« Je l’avais vu hier en le faisant, j’aurais dû te prévenir tant qu’il était temps…
-Temps de quoi ? il est usé, je ne vais tout de même pas repriser les draps ! (= « tout de même », comprenez, même si c’est la crise, que notre revenu ne s’arrange pas..)On le lave, on le jette, non, on le découpe, c’est de la bonne toile…pour nettoyer les vitres !!!


C’est alors que je revois l’image de ma mère penchée comme nous sur un lit à faire, se mordillant la lèvre inférieure comme elle le faisait quand elle réfléchissait à un problème technique, de couture en particulier, et disant : « Je vais le retourner !!! »


Cette phrase me laissait alors perplexe, retourner ? Pour retrouver la même usure sur l’envers ?
Mais il ne s’agissait point du tout de mettre à l’envers. La recette était toute simple…et efficace :

Tailler le drap sur son milieu dans toute sa longueur.
Placer les 2 panneaux obtenus côtés au milieu, et centre sur les bords…
Coudre sur le milieu.
Ourler finement les bords (la partie usée) en essayant de conserver le maximun de la largeur…



Et voilà un drap qui fera encore de l’usage !!!!

En somme, retourner les draps, les cols de chemises, les poignets d’icelles, on le voit, n’a pas le même sens que retourner sa veste !!!.

Nous ne sommes guère plus riches que ne l’étaient mes parents, mais c’était un tout autre temps, un temps où on « ne jetait pas », on réparait, on ravaudait, on cousait …

Je trouve parfois en repassant, dans des nappes ou des jetés de table qui nous viennent de nos grands-mères, des reprises si fines qu’on croirait de fins damassés brodés Comme de délicates signatures des mémés disparues !!!

Il faut dire que mon industrieuse mère pouvait en revanche s’offrir le petit luxe de faire « venir » Coco , une lingère, pour « donner quelques points »….et l’aider dans ces travaux de couture…


Un tout autre temps en vérité !!!